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BLOG LITTERAIRE
22 juin 2008

DU REFLET

DU REFLET

"Et le miroir jette une rue par
  la fenêtre dans la fenêtre en face."
  (Laurent Albarracin, Fruits de la gravité in Le Jardin ouvrier 1995-2003, Ivar Ch'vavar & camarades, Flammarion, 2008, p.170)

Ces deux vers de sept mots chacun suggèrent fort justement la vivacité du reflet, sa capacité à épouser le rythme si souple de l'espace-temps, de telle manière que cet être impalpable puisse dénoncer l'incessant mouvement qui agite toute chose de manière si secrète (1) que l'oeil n'en peut soupçonner que ce que lui révèlent le jeu des miroirs et celui des équations. L'illusion est le divertissement de l'être. Sa condition aussi sans doute. C'est dire qu'il faut considérer avec la plus grande attention la minutie de l'illusionniste.
D'ailleurs, ce qui est commun au "miroir", à la "rue", ainsi qu'à la "fenêtre", c'est que l'on peut y reconnaître des visages : Et le miroir    là où se jette le visage    jette une rue    là où passent tant de visages    par la fenêtre dans la fenêtre en face    là où apparaît parfois le clair d'un visage.
La rue est ainsi ce lieu possible de l'infini des visages possibles. Elle a cette qualité d'être (d'où certainement l'importance prise par toutes les études qui couvrent le champ de la poétique de la ville) que, présent de vérité générale (la rue est un passage), elle suggère que tous les visages, ces apparaîtres de l'être humain, y sont voués.

(1) Sous la peau des choses, des trajectoires aléatoires dont semble dépendre l'ensemble de la matière - et donc son découpage humain en "choses" -  sont à l'oeuvre. Les physiciens tentent de percer le secret de ces trajectoires, de ce hasard si pur qu'il semble bien là, qu'en effet, "de deux propositions contraires, l'une au moins ne soit pas fausse." Pour appréhender ce paradoxe, qui, je le sais, étonne, et même inquiète, il faut nous imaginer dans la peau d'un joueur d'échecs qui ne comprend ni la stratégie ni la tactique de son adversaire. Il est donc obligé, pour chaque coup, de tenir compte de l'ensemble des coups possibles et ainsi, puisque la partie lui semble pour l'instant incompréhensible, c'est-à-dire absurde, de considérer comme probables tous les coups possibles même s'ils semblent d'abord contradictoires entre eux. Ce n'est donc pas aux dés que joue Dieu, mais aux échecs, le problème étant que nous commençons à peine à comprendre comment l'espace et le temps configurent cet échiquier, à nous demander même parfois s'il existe, cet échiquier.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 22 juin 2008

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Commentaires
R
Mazette ! Que de sens caché dans ces quatorze malheureux petits mots... Chapeau l'artiste, je dis.
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