UNE AFFAIRE DE SCRIBE
UNE AFFAIRE DE SCRIBE
Le temps, puisqu’il n’existe que par les êtres humains, est affaire de scribe, et il est autant de crises au temps qu’il est de jours et de nuits au vent levé :
« Trois jours, trois nuits
que le vent s’était levé,
s’engouffrait,
sous les portes,
jetait bas les masques. »
(Hervé Leroy, in Sur les chemins ouverts Panorama poétique Nord/Pas-de-Calais, Maison de la Poésie Nord/Pas-de-Calais, 2000, p.76)
Sans ce vent levé, cette claque qui jette bas les masques, nul temps ne serait être accompli et nul récit ne pourrait en être fait. Le temps est donc cette nécessaire mascarade que sans cesse nous dénonçons, déjouons, et qui d’ailleurs nous octroie cette fantaisie de le démasquer, cependant que nous ne sommes que sans cesse, que par les loups du vent et les masques des loups.
Ainsi, les dieux se jouent-ils de nous qui, n’existant pas, ne nous permettent de vivre qu’à leur condition.
Nous ne sommes donc que parce que nous dotons de noms cet être dont nous dépendons et qui n’existe pas. Nous ne sommes que parce que nous savons décrire nos rêves.
Et cette illusion, nous la renforçons sans cesse en la nourrissant de métonymies si humaines (le sang, le cœur, l’âme, la main, le visage), qu’il me semble que ce n’est point le corps du christ que nous mangeons à la messe, mais que ce sont les dieux qui nous dévorent. Pas étonnant qu’ils nous aient bien recommandé de croître et de multiplier, comme pains à la noce et poissons dans la mer.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 8 octobre 2008