DE L'INFINI DU SENS

DE L'INFINI DU SENS

"Ceci veut dire finalement que le propre du visible est d'avoir une doublure d'invisible au sens strict, qu'il rend présent comme une certaine absence." (Maurice Merleau-Ponty, L'Oeil et l'Esprit, chapitre 4, folioplus philosophie, p.57).

Ce que l'on ne voit pas sous-tend ce que l'on voit. La vision révèle cette présence étrange, ce lointain sans horizon, cet ailleurs sans géographie. La vision, relevant de l'être de l'humain, permet cette manifestation de l'être du visible ; elle permet que le monde soit ; elle structure ce monde de telle manière qu'il peut être partagé.
C'est ainsi que les humains se passionnent pour les oeuvres d'art, ces compositions singulières à l'intérieur du réel. L'oeuvre d'art ne renvoie pas à un référent ; elle devient elle-même le référent ; elle permet ce partage du monde, cette communauté critique des vivants. Ce ne sont pas les paysages peints qui imitent le réel, mais le réel qui "se double" de l'étrange présence d'une perspective inédite.
C'est ainsi que la représentation invente le réel, que la subtilité de la pensée rend l'univers intelligible, que les démonstrations des lois de la physique révèlent les paradoxes d'une mécanique universelle toujours plus complexe, toujours plus paradoxale puisque toujours remise en question.
Que l'univers soit paradoxal n'infirme pas, mais au contraire prouve la cohérence de nos logiques descriptives. Que la tragédie grecque ait révélé que nous étions mus par des compléments d'agent étranges et spectaculaires, que le voyage dans le temps soit maintenant une hypothèse de travail recevable, que l'on puisse utiliser ces "ordinateurs quantiques" où deux propositions contraires sont toutes deux pertinentes, ne prouve nullement l'absurdité du monde, mais révèle l'infini du sens que l'être donne à ce monde.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 15 octobre 2008