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BLOG LITTERAIRE
12 mai 2012

SUITE POUR FUITE ET FROISSEMENTS

SUITE POUR FUITE ET FROISSEMENTS

1.
"- Je le croirais s'il n'y avait pas ce billet maquillé qu'elle a laissé..."
(Agatha Christie, traduit par Michel Le Houbie, Pension Vanilos, Club des Masques, n°62, p.103 [L'inspecteur Sharpe])
Maquiller : on peut maquiller un billet. Ici, il s'agit d'un écrit. On peut maquiller un crime en suicide : "Elle était trop maquillée, le mannequin (vous remarquerez le changement de genre entre la maquillée et le mannequin - cette fille est si joliment jolie que l'on dirait un mannequin), trop maquillée pour qu'on ne puisse pas penser, avoir l'éclair de la pensée d'un crime maquillé en suicide."

2.
Il voyait tout : c'était l'homme-plein-d'yeux. Il voyait tout : un oeil sur pattes. L'humanité, une succession de regards. Un réel vu sous tous les angles. Le réel ne peut échapper à l'oeil vigilant des humains ; cependant, il a l'air, le réel, de toujours se dérober, de prendre la tangente, de fuir dans une autre géométrie.

3.
Peut-être que le réel n'est qu'un renvoi à l'être de l'humain. Ainsi, au début du paragraphe 78 du Gai Savoir, Nietzsche fait remarquer que les "artistes et surtout ceux du théâtre ont donné aux humains des yeux et des oreilles pour voir et entendre, "ce que chacun est lui-même, ce que chacun a vécu et voulu" (cf Le Livre de Poche n°4620, coll. Les Classiques de la Philosophie"). Le théâtre, c'est du réel de pure création qui renvoie explicitement à l'humain (on n'écrit pas de pièces botaniques, de pièces ornithologiques, de pièces de viande...); mais la façon dont nous travaillons plantes et fleurs, oiseaux et viandes, est elle aussi purement humaine. Rien de ce qui est réel ne nous est réellement étranger, même si le réel est, par définition, radicalement étranger aux signes que nous utilisons pour le signifier.

4.
Ce que l'humain expérimente, c'est son essentielle étrangeté.

5.
Comme j'aurais aimé avoir l'oeil amusé, la parole aimable et le coeur pas si froissé.

6.
Il avait le coeur aussi froissé que l'imperméable de l'inspecteur Colombo.

7.
On peut froisser des feuilles ; on peut froisser quelqu'un ; par contre, on ne peut pas froisser des frites, bien qu'ça sonne bien, ça : on lui amena une assiette de frites froissées, avec un poisson pas né (c'est-à-dire qu'il n'y avait guère de poisson sous la panure).

8.
Une ville peut-elle être froissée ? Ville froissée sous la pluie, ou cité que cueille et froisse la main d'un dieu de colère.

9.
Il y a le foie (avec un "e") mais la foi, elle, n'en prend pas. Un étudiant étranger, sans doute, en perdrait la foi en la clarté habituelle du langage françois. C'est que nous sommes exceptionnels nous autres. Nous partageons d'ailleurs avec les Grecs et les Romains d'avoir fait d'un massacreur une légende épique : Bonaparte, c'est notre Alexandre à nous, notre César, notre tyran admiré.

10.
Egoïstement, égocentriquement, en pensant ma pomme, je n'aimerais pas mourir maintenant ; ce serait vexant.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 12 mai 2012

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