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BLOG LITTERAIRE
26 mai 2012

COMME CI COMME CI

COMME CI COMME CI

1.
"De ses doigts en vibrant s'échappe la guitare."
(Victor Hugo, Les Orientales, Clair de Lune)
J'en entends les dwing-dwang-klong.

2.
"Dans mon ombre jamais n'avait lui tant de jour"
(Hugo, Les Feuilles d'automne, Ce qu'on entend sur la montagne)
Si l'on compare notre esprit à un puits de ténèbres, alors ce que l'on en sort ne peut être que plein de jour comme un seau est plein d'eau. Ceci dit, ce jour peut être aussi faux qu'une nuit passée à picoler ou que le sourire d'un ami jaloux.

3.
"Moi, je cherchais un monde aussi !"
(Hugo, Les Feuilles d'automne, A M. de Lamartine)
Bin oui, on cherche un monde et puis on tombe sur un bec, sur un dos, sur un trou dans le trottoir; on se fait une entorse et puis une raison.

4.
Elise me fait remarquer que la vie des femmes est compliquée. Elle ne précise pas. Je comprends qu'elle évoque la nécessité d'une vie sociale plus intense que celle des hommes. C'est qu'elles n'ont guère le temps de briller, prises qu'elles sont entre les nécessités professionnelles, domestiques, familiales : il leur faut être souriantes et très gentilles, et amicales, et élégantes, en un mot disponibles, tout en ayant l'art de repousser intelligemment les avances outrecuidantes, et, bien sûr, en prenant bien soin de ne pas révéler ses sentiments, cependant qu'un homme peut très bien passer pour un ours vêtu d'une peau de rustre ; il s'en fera tout de même une raison.

5.
Mentalement, je tire souvent la langue aux gens (c'est mon fameux cynisme, dont j'espère bien qu'il deviendra légendaire). Je tire, je tire, je tire, mais le reste ne vient pas.
Alors les gens me demandent :
"- ça va, Patrice ?"
 Et je réponds, parce que je suis poli :
"- Oui, merci."

6.
Je ne suis pas fou : je sais parfaitement faire la différence entre la personne qui se balade dans ma tête et la personne réelle. Après, que voulez-vous, c'est une question de sensibilité esthétique. Mais s'il m'est arrivé de me fasciner pour un grain de voix, une façon de se mouvoir, une manière d'être, j'ai toujours su que cette fascination était largement due à la singularité de mon regard. Une professeure me l'a dit jadis (j'en ai été tout flatté) : "Toi, tu vois des choses que les autres ne voient pas." Et pourtant, quel aveuglement souvent!

7.
Ce que l'on peut me reprocher : de parler si souvent de moi. Eh, c'est qu'entre vous que je ne connais pas, et moi que je connais à peine, vous conviendrez que je n'ai guère le choix. Ceci dit, je pourrais parler des choses, des choses innombrables, ou faire de la métaphysique, ou des mathématiques, ou de la philologie, ou débiter des recettes de cuisine, mais baste ! c'est qu'en plus, je ne suis point savant.

8.
J'ai du mal avec les gens qui ne savent pas rester seuls. C'est qu'ils n'ont pas de quoi s'occuper l'esprit, y compris de la mélancolie qu'il y a à rester seul, alors que les autres, comme on sait, passent leur temps à s'amuser comme des petits fous, les hommes avec des femmes merveilleuses, les femmes avec des hommes extraordinaires, et tout ça dans une folle ambiance d'amitié, d'affection, de complicité formidable, avec orchestre tzigane pour les violons, et Kiri le clown pour les momillons.

9.
On est samedi. Je me demande ce qu'ils font. Les courses, probablement. Non, je suis méchant. (Je devrais supprimer ce bref, il est ignoble. Réflexion faite, je le garde, il est ignoble). Et puis, moi aussi, le samedi, je fais les courses : j'achète des haches à trancher les mains tendues, de la viande pour mes chiens-loups, et des fouets, ah les fouets, les merveilleux fouets...

10.
Je suppose qu'il y a, au moment où j'écris ces lignes, quelqu'un quelque part qui se dit, avec une petite pointe au coeur, que, désormais, dès qu'on parlera de lui, elle tournera la tête d'un autre côté. Ceci, bien sûr, en raison de mon fabuleux cynisme, ne peut m'arriver. Et si cela était, c'est que je serais devenu bien sot.

11.
J'entends sur France Culture le rappel de certaines des atrocités commises par les Khmers Rouges : prisonniers torturés de mille façons puis battus à mort, occidentaux brûlés vifs, nourrissons lancés sur des troncs d'arbre. Cela devrait nous pousser à être plus gentils avec nos contemporains, à renoncer à l'égoisme, à la rustrerie, à l'hypocrisie. C'est que nos manières d'être ne peuvent se passer d'une bonne dose d'égoisme, de rustrerie, d'hypocrisie. C'est à ce prix que nous pouvons réellement aimer, servir, protéger.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 26 mai 2012

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