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BLOG LITTERAIRE
27 mai 2012

C'EST UN VIEIL OS DE MOUTON

C'EST UN VIEIL OS DE MOUTON
(Notes sur Gaston Leroux, Le Mystère de la chambre jaune)

1.
"Il [Joseph Rouletabille] s'était introduit, presque malgré moi, dans notre compartiment et j'aime mieux dire tout de suite que ses manières et sa désinvolture et la prétention qu'il semblait avoir de comprendre quelque chose dans une affaire où la justice ne comprenait rien, me l'avaient fait prendre en grippe."
(gaston Leroux, Le Mystère de la chambre jaune, Livre de Poche n°547, p.105)
Le héros de cette histoire n'est pas forcément si plaisant : désinvolte, prétentieux, sûr de lui comme un qui croit savoir, qui croit voir ce que les autres ne voient pas. C'est que le réel est une aventure analytique.

2.
Rouletabille évoquant Frédéric Larsan dans son travail d'enquêteur : "... Evidemment, ce n'est pas le premier venu... J'ai même eu beaucoup d'admiration pour lui quand je ne connaissais pas sa méthode de travail. Elle est déplorable ; mais il manque de philosophie ; la mathématique de ses conceptions est bien pauvre..."
(Gaston Leroux, ibid., p.144)
Autrement dit, ce n'est pas le fait de résoudre l'énigme policière qui importe mais la manière de résoudre cette enquête. C'est pas l'assassinat qui est l'un des beaux-arts mais l'élucidation. C'est là toute la différence entre le roman énigmatique et la sordide réalité. Dans le cas de Joseph Rouletabille, il s'agit même d'être d'un haut niveau spéculatif : avoir de la philosophie, et de la mathématique dans ses conceptions. Sinon, ce n'est que de l'habileté, et c'est vilain.

3.
"A quoi le père Bernier répliqua que si l'on n'avait pas vu "l'autre corps mort ou vivant", on aurait au moins marché dessus, tant ce bout de cour est étroit. Enfin, nous étions, sans compter le cadavre, cinq dans ce bout de cour et il eût été vraiment étrange que l'autre corps nous échappât..."
(Gaston Leroux, ibid., p.216)
Quel résumé vertigineux ! Nous passons en effet notre existence à croiser les trajectoires d'autres corps morts ou vivants, au point parfois de marcher dessus ou de s'étonner qu'ils ne soient pas où ils devraient être, ou encore qu'étrangement, ils nous échappent.

4.
"C'est un vieil os de mouton qui a dû servir déjà à quelques crimes, suivant les apparences."
(Gaston Leroux, ibid., p.54)
a) Derrière les apparences, l'os de mouton.
b) Apparences, méfiez-vous, l'os de mouton est derrière vous.
c) Les apparences ne se méfient jamais assez de l'os de mouton qui les suit comme une ombre, et attend patiemment qu'elles aient le dos tourné pour frapper et dissiper leur belle illusion, les renvoyant ainsi dans la nuit du doute.
d) Un écrivain est celui qui s'attache au lien qui unit l'apparence et son os de mouton.

5.
"... Mais la galerie est claire, et puis, maintenant, je sais... ou du moins mon cerveau sait... alors mes yeux verront..."
(Gaston Leroux, ibid., p.194)
L'analyse précède la révélation. Machine analytique aléatoire que le cerveau, ordinateur capricieux, c'est qu'elle est pleine de fantômes, la machine. C'est avec eux qu'il faut composer. J'entends par composer, rédiger les actes de nos vies. Chacun d'entre nous compte en lui plus d'un esprit.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 mai 2012

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