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BLOG LITTERAIRE
19 juin 2012

APHORISTIQUE ARTHUR

APHORISTIQUE ARTHUR

1.
"La vie est la farce à mener par tous."
(Rimbaud, Une saison en enfer, "Mauvais sang")
La farce est d'ailleurs si énorme qu'elle en passe le sens.

2.
Penser, c'est s'évertuer à donner du sens à ce qui, de toute évidence, n'en a pas et persiste à n'en pas avoir.

3.
"La vieillerie poétique avait une bonne part dans mon alchimie du verbe."
(Rimbaud, Une saison en enfer, "Délires II")
L'alchimie est vieille chose, vieille cornue, vieille lune, vieil alambic. Dans nos habits modernes, des gestes anciens. Ce qui parle en nous aussi : une bouche très ancienne dans une langue inconnue dont on nous a traduit quelques lambeaux.

4.
Qui assoit la Beauté sur ses genoux finit par la trouver bien pesante, bien encombrante, bien exigeante. Il arrive qu'il en vienne à l'injurier, à la laisser choir, et à se passionner pour des êtres moins beaux, mais plus arrangeants.
(cf Rimbaud : "Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. - Et je l'ai trouvée amère. - Et je l'ai injuriée." (Une saison en enfer, incipit).

5.
"Ce serait la vie française, le sentier de l'honneur !"
(Rimbaud, Une saison en enfer, "Mauvais sang")
C'est que ça ne s'oublie pas si facilement, les héroïsmes de nos glorieux aînés, et Corneille, et l'Empire, princes et barons, et panache blanc et bleu horizon. La modernité a ceci de bon qu'elle étouffe les tambours et réforme les drapeaux.

6.
"Je ne suis pas prisonnier de ma raison."
(Rimbaud, Une saison en enfer, "Mauvais sang")
D'ailleurs, nous nous délectons des déraisons des autres. Qu'on s'en amuse ou qu'on s'en indigne, ça nous fait toujours des raisons de bavarder.

7.
"Il n'y a personne ici et il y a quelqu'un."
(Rimbaud, Une saison en enfer, "Nuit de l'enfer")
C'est ce que peut l'on ressentir peut-être quand quelqu'un vous manque.
L'expression "peut-être" est fabuleusement ontologique. Elle exprime un scepticisme, une mélancolie bien plus profonde, bien plus féconde, bien plus humaine que l'administratif "être-là".
C'est la puissance du langage qui peuple le monde. Sans noms, les autres seraient des phénomènes désynchronisés, des spectres plus ou moins utiles, plus ou moins menaçants.
Nous possédons d'ailleurs un vaste répertoire de noms pour désigner les autres. Même les expressions les plus vulgaires renvoient à l'humanité, une humanité certes traînée dans la boue, mais une humanité tout de même.
Ma bibliothèque est pleine d'êtres, de personnes que le présent absolu du langage actualise, de témoins sans chair ni os ni yeux d'autres mondes plus ou moins possibles.
Nous ne pouvons vivre dans ces deux mondes, celui des étants réels et celui des étants symboliques qu'en les superposant, qu'en les confondant : nous sommes des réels qui menons des existences symboliques.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 juin 2012

 

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