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BLOG LITTERAIRE
8 octobre 2005

NOTES SUR RONSARD

DERNIÈRE MUSIQUE
NOTES SUR PIERRE DE RONSARD (1524-1585) :
"Il faut laisser maisons, vergers et jardins,..." (in Derniers vers, 1587, posth.)

Un jour, arrivé au bout de mon p'tit bout de route, mourant d'une saloperie nicotine ou d'insuffisance fiscale, le coeur calanchant, la rime patraque et l'illusion lyrique bien déplumée, je me dirai, si j'ai encore quelque mémoire, je me dirai ces vers de Pierre de Ronsard :

Il faut laisser maisons et vergers et jardins,
Vaisselles et vaisseaux que l'artisan burine,
Et chanter son obsèque en la façon du Cygne,
Qui chante son trépas sur les bords Méandrins.

Ce sera ma dernière musique, cette allitération qui mêle les travaux et les jours, les saisons et leurs jardins, toutes mes demeures et les objets qui y passèrent qui ne seront plus que dépouilles alors que je serai déjà sur les rives du fleuve à  guetter le passeur.

Peut-être bien alors que je pourrais dire, comme Pierre de Ronsard :

C'est fait j'ai dévidé le cours de mes destins,
J'ai vécu j'ai rendu mon nom assez insigne,
Ma plume vole au ciel pour être quelque signe
Loin des appas mondains qui trompent les plus fins.

C'est peu dire que les écrivains ne sont que de vieux enfants égoïstes qui, à l'heure où la camarde vient les tirer de leur bibliothèque pour aller vérifier si Pascal a gagné son pari ou pas, qui ne pensent qu'à leur postérité comme si les quelques collections de signes qu'ils ont composées durant leur vie pouvaient se résumer en un "signe" unique, une nouvelle étoile que suivraient de moins aveugles.
C'est peu dire que les écrivains ne sont que de grand méprisants, de grands hautains qui nomment "appas mondains qui trompent les plus fins" les quelques divertissements que les gens se donnent en attendant la mort.

La mort, c'est bien de cela qu'il s'agit ; la mort, la voici :

Heureux qui ne fut onc, plus heureux qui retourne
En rien comme il était, plus heureux qui séjourne
D'homme fait nouvel ange auprès de Jésus-Christ,

Laissant pourrir ça bas sa dépouille de boue
Dont le sort, la fortune et le destin se joue,
Franc des liens du corps pour n'être qu'un esprit.

Il ne faudrait n'avoir jamais été ( "onc" est un adverbe signifiant "jamais") mais puisque nous fûmes, mais puisque nous sommes, réjouissons-nous de cette bonne nouvelle des bulletins paroissiaux auxquels les prêtres eux-mêmes ne croient pas tous et répétons dès lors, comme Pierre de Ronsard, l'adjectif "heureux" puisque la mort, après tout et après tout, il n'est que mort, puisque la mort donc n'est jamais qu'une anaphore qui nous fait dégringoler l'un après l'autre l'escalier des vers et des rythmes, de rejets en rejets, vers l'ombre "où tout se désassemble", où nous laisserons nos "dépouilles de boue" à l'appréciation des insectes qui sont les véritables maîtres de cette terre.

Ainsi, vivants, nous ne sommes que coups du sort, bonnes et mauvaises fortunes, réalisations d'un destin que nous ne maîtrisons que par ce que cela fait plaisir aux professeurs de philosophie pour devenir, libérés de notre charge de chair, des esprits solubles dans l'air.

Entre nous, cela ne nous fera pas une belle jambe...
Heureusement que sur terre, il y a Ronsard, les maisons, les vergers, les jardins et tout le reste surtout s'il a de beaux yeux et s'il est aimable.

         Patrice Houzeau
         Hondeghem, le 8 octobre 2005

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