REPONSE A ORLANDO DE RUDDER SUR LE RÔLE EXACT DE L'ARMEE
REPONSE A ORLANDO DE RUDDER SUR LE RÔLE EXACT DE L'ARMEE
Dans ses commentaires sur l'article "Le Danger" (cf le Blog Littéraire du dimanche 11 juin 2006), l'érudit Orlando de Rudder nous rappelle que l'armée a souvent servi à canaliser des esprits rebelles et à éviter que certains comportements de type fasciste ne se répandent dans la société civile.
Il nous rappelle aussi, avec raison, que l'encadrement de type militaire a souvent servi d'exemple dans la plupart des institutions scolaires.
Il est vrai que l'image des "Hussards noirs de la République" pour désigner les Instituteurs de la France rurale du début du vingtième siècle est parlante.
Et n'est-ce pas un certain Napoléon qui a créé les Lycées d'Etat ?
Certes, la Légion étrangère, les compagnies de combat de l'infanterie, les paras, et ce que l'on voudra de militaire costaud, viril, encadré ont pu servir de "centre de rééducation psychologique" mais l'actuel exemple américain m'incline à penser que c'est là un modèle dépassé.
L'armée américaine a envoyé beaucoup d'hommes sur le terrain en Irak : beaucoup de jeunes gens qui se sont engagés pour ne pas rester sans boulot.
Tant d'hommes en opération, armés, équipés, entrainés, et à la clé une défaite, - des attentats quotidiens, des désertions, une image internationale ternie -.
Par contre, que les réseaux de renseignement fonctionnent, que la technologie de pointe en matière d'attaque aérienne soit mise en oeuvre, et c'est la mort d'un des leaders d'Al Qaida en Irak (cf actualité des opérations en Irak de ce mois de Juin).
Il n'est pas absolument nécessaire d'occuper le terrain à tout prix si l'on veut remporter une guerre. Mais il faut isoler les unités adverses et surtout leurs commandements, former des commandos capables d'effectuer des raids ultra-rapides et ainsi effectuer des missions particuliérement ciblées, agir dans le champ économique de manière à rendre redevables les Irakiens d'une amélioration de leur situation financière et de leurs conditions de vie, être à la fois invisible et omniprésent.
C'est comme cela qu'en 1973 les USA ont réussi à influer sur le destin du Chili en éliminant le Président Allende et portant au pouvoir un général assassin.
Il était sans doute possible de remporter rapidement cette guerre puisque les USA en ont les moyens humains, financiers, technologiques mais, hélas, il semble actuellement qu'un départ des Américains plongerait maintenant l'Irak dans une guerre civile aussi épouvantable que celle qui a suivi en 1975 la chute de Saïgon et l'abandon du Vietnam par les troupes US.
Ce qui m'incline donc à penser que, pour l'instant, les Etats Unis d'Amérique sont en passe de perdre la Seconde Guerre du Golfe.
Donc, à quoi servent ces dizaines de milliers de soldats de base ? A pas grand chose sinon à éviter des massacres plus grands encore.
Du coup, l'image de l'armée comme "famille d'accueil", seconde chance ou je ne sais quoi encore me semble en prendre un coup.
Entre nous, la relative militarisation de l'enseignement fut sans aucun doute une nécessité historique mais je crains que, de toute façon, la mondialisation et la rapidité des changements économiques et sociaux ne fassent bientôt voler en éclats les quelques repères institutionnels que la vieille Europe a mis des siècles à façonner.
A moins évidemment que les Princes de ce Monde n'aient très machiaveliquement décidé que la guerre pouvait servir aussi de variable d'ajustement...
Ce qui, entre nous, n'est guère chrétien.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 12 juin 2006