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BLOG LITTERAIRE
19 septembre 2007

DE L'IMPERTINENCE

DE L'IMPERTINENCE

Vu hier soir, mardi 18 septembre 2007, sur France 3 une assez bonne émission sur l'impertinence à la télévision.
Les grands impertinents de l'étrange lucarne sont connus de tous et restent vivaces longtemps après qu'ils ont disparu. C'est ce qui les distingue de la plupart des animateurs qui, se succédant, passent à l'oublieuse trappe aussi vite qu'un paquet de petits beurres dans l'estomac d'un collégien affamé.
Il y fut question, à plusieurs reprises, de Pierre Desproges. Ce qui est, me semble-t-il, mérité. L'homme qui a dit : "On peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui !" ne saurait en effet laisser indifférent.
Il y fut question de Desproges et aussi de Serge Gainsbourg.
Et de cette scène d'anthologie où Desproges "remplaçant" Michel Drucker à l'accueil des invités de l'émission "Champs Elysées" dit à propos de Gainsbourg : "Le seul génie qui a l'air d'une poubelle."
Féroce ? Oui, si l'on veut, mais, à mon avis, dans la bouche de celui qui a dit aussi "Si les gens ne parlaient que de ce qu'ils ont vu, est-ce que les curés parleraient de Dieu ?  Est-ce que le pape parlerait du stérilet de ma belle-soeur ?", le mot "génie" sonne comme un fameux compliment.
En tout cas, impertinent, il le fut, Gainsbourg, et souvent avec justesse.
En témoigne ce fameux numéro de l'émission Apostrophes (qui n'eut jamais si bien mérité son titre) dans lequel Serge Gainsbourg, derrière son piano, engueule, - il n'y a pas d'autre terme -, le très consensuel Guy Béart. La raison de l'embrouille : une intervention de la très bonne âme Béart concernant le statut d'art mineur de la chanson.
"La chanson est un art mineur" affirme Gainsbourg.
Non, c'est un art majeur, sinon je ne serais pas là pour en parler dit en substance Guy Béart qui fut très sot ce soir-là.
Ire de l'auteur de la Javanaise qui argumenta sur la distinction entre "Arts Majeurs" (selon Gainsbourg, "l'architecture, la peinture, la musique classique, la poésie") et "Arts Mineurs", distinction opérée à partir de la nécessaire "initiation" préludant à la compréhension desdits Arts Majeurs.
Evidemment, on comprend la position de Guy Béart, elle est de celles que l'on a généralement en société, elle est politiquement correcte, elle induit que l'on doit respecter les auteurs de chansons au même titre que l'on respecte les peintres, les compositeurs, les architectes.
Et pourtant, c'est à Serge Gainsbourg que l'on a envie de donner raison pour cette si simple raison que nous préférons souvent ce qui est "mineur", superflu, léger, à ce qui est censé nous en imposer, à ce qui pèse son poids d'autorité en la matière.
Ainsi, nous avons tendance à éprouver de la sympathie pour les films des Marx Brothers ou de Jerry Lewis alors même que nous regardons certains films de Jean-Luc Godard ou même de François Truffaud avec l'oeil rond de l'élève qui écoute sans en piger une broque le discours magistral du fonctionnaire payé pour.
Et puis, nous n'aimons peut-être pas tant que ça que l'art de la chanson soit mis sur un piédestal. Car, après tout, des chansons qui restent, il n'y en a pas tant que ça. C'est que l'on a trop souvent crié au génie, surtout en France, où on aime bien les chansons à textes, les chansons "qui veulent dire quelque chose". Souvenez-vous de Léo Ferré, formidable auteur de chansons jusqu'à ce qu'il se soit persuadé lui-même d'être un poète. Dès lors, catastrophe et boudin noir : des textes qui n'en finissaient plus, un ton de revenant de la Guerre d'Espagne, une prétention à l'image forte, à l'apocalytique prophétie ("plus plus rien" et consorts). S'il s'était "contenté" d'être l'excellent parolier qu'il pouvait être, combien nous lui en serions reconnaissants !
Car ce n'est pas si facile, une bonne chanson. Et l'on sait bien que Serge Gainsbourg a travaillé longtemps bon nombre de ses textes, bon nombre de ses musiques. Je me souviens d'avoir entendu Jane Birkin évoquer la déception de Gainsbourg à la sortie de l'album Histoire de Melody Nelson. Cet album qui est probablement de tous ses album le plus maîtrisé, le mieux écrit, le plus soigneusement composé, lorsqu'il fut publié, en 1971, passa presque inaperçu.
Et tous ces chanteurs, ces A.C.I. ("Auteurs Compositeurs Interprètes") des années 70 qui promenèrent de Maison des Jeunes (et de la Culture) en Maison des Jeunes (et de la Culture) leurs cheveux longs, leurs guitares et leurs lieux communs rimaillés sur la vie, la mort, l'amour, les vaches et les patrons : il y en eut tant ! Certains avaient du talent, c'est vrai mais, soyons francs, fort peu de génie, et voyez-vous comme c'est étrange, on se souvient plus facilement, - en tout cas, moi -, des textes doux-dingues de Charles Trénet ou des chansons sans conséquences apparentes de Chuck Berry que des imprécations du Léo Ferré post-68 ou des miévreries de Yves Simon.
De même, il est épatant de voir que s'effacent certaines tartines hugoliennes au profit des impertinences de Laforgue ou de Corbière et qu'il n'y a plus guère que des slameurs incultes pour citer Lamartine comme une de leurs références.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 septembre 2007 

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Commentaires
O
Il a raison, gainsbourg!LA petite bougeoisie a imposé sa vision du "tout est égal",Johnny halliday et mozart Par haine de la grndeur, des choses qui "prennentla tête", en fait qui prenennt le coeur et l'être tout entier! L'Art est un savor-vivre,un savoir-mourir comme Van gogh le montra!On y perd sa vie,parfois! LA bourgeoisie consomme, achète,mais ne comprend pas!Alors, on égalise...N'importe que auteur de polar répétitif miteux est l'égal de Shakespeare!Come si Maquedot était l'égal de Bocuse (là,il ne se gourre pas,le bourgeois) et le viandox aussi délicieux que le Chambolle-Musigny! <br /> Tout se mérite,même le vrai plaisir, celui qui n'angoisse pas, celui qui n'et pas dans l'insuffisance! Celui qu bâtit, fonde, crée...
M
la grande forme !
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