L'ENNEMI GENERIQUE
L'ENNEMI GENERIQUE
Nous sommes passés de la guerre totale mais ouverte, déclarée, délimitée dans le temps, à une guerre contre un ennemi invisible, un ennemi générique, qui porte un nom de société secrète - Al Qaïda -, aux allégeances multiples, et qui semble engagé dans une lutte illimitée, une "guerre de cent ans" peut-être, dont le but ne serait pas de déclencher des batailles décisives, des blitzkriegs impeccables, mais de maîtriser le temps, d'épuiser les nerfs, la patience et les ressources de l'adversaire.
C'est ce que je peux déduire de ce que René Girard dit ce soir, 17 octobre 2007, à propos du contenu de son dernier livre paru, Achever Clausewitz, que l'on annonce, - en tout cas sur le plateau de l'émission Ce soir ou jamais -, comme "apocalyptique", c'est-à-dire révélateur.
Un couteau sous la lune. La nuit multiplie les poignards. Ces éclairs qui traversent la nuit, autant de lames que de visages, vifs, imprévisibles, multiples semble-t-il.
Ces jours-ci, - nous sommes en octobre 2007 -, la menace d'une intervention de l'armée turque en territoire irakien, élargissant ainsi le conflit qui l'oppose aux Kurdes, fait bondir, dit-on, les prix du pétrole largement au-delà des 80 $ le baril.
Qui contrôlera le commerce du pétrole pourrait gagner cette guerre.
Ce n'est pas si sûr. Toute victoire est conditionnelle.
Il n'est pas nécessaire pour vaincre d'investir les places fortes de l'ennemi. Il faut avant tout l'isoler. L'intoxiquer, le désinformer, le convertir.
Ainsi Rome est-elle devenue chrétienne.
Beaucoup s'en remettent à la modernité, à l'accés de tous à la modernité, tarte à la crème de nos "modernes" systèmes éducatifs, croyant sans doute qu'une bibliothèque ne peut brûler, qu'un intellectuel ne serait être égorgé, ou assigné au silence.
Rome était la modernité du monde antique.
"No surrender", "pas de reddition" semble ainsi signifier la lecture prochaine (le 22 octobre 2007) de "la lettre de Guy Môquet" dans les écoles. Personne ne semble avoir émis l'hypothèse que cette lecture était avant tout un acte d'unité nationale devant l'ennemi invisible qui pourrait demain frapper en France.
La gauche bien pensante des syndicats de l'éducation nationale s'émeut même du caractère de "commémoration obligatoire" qui semble caractériser cette lecture.
Dans dix ou quinze ans peut-être, la perspective historique donnera probablement un tout autre sens à cette commémoration, dirigée moins contre les spectres de l'extrême-droite que contre cet ennemi générique qui abat les tours, fait sauter des trains, commandite enlévements et assassinats.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 18 octobre 2007