DES NEO-STALINIENS
DES NEO-STALINIENS
Il y a des choses qui ont le don de me mettre en colère, et le fait d'empêcher un étudiant de travailler en lui bloquant l'accès aux bâtiments relève pour moi d'un pur stalinisme, d'un pur déni de la liberté des autres.
Les petits coqs rouges qui actuellement bloquent les entrées des universités pour protester contre une loi par ailleurs votée et qui ne les concerne finalement que très peu (1), même s'ils sont majoritaires (2), n'ont aucune légitimité à empêcher quiconque veut accéder à l'Université de le faire. Ces imbéciles semblent avoir oublié que les traditionnels piquets de grève des conflits sociaux de l'industrie ont pour but d'empêcher le déménagement de l'outil de travail par la Direction ou encore que les postes soient pourvus par des travailleurs intérimaires qui, cela s'est vu, pourraient même prendre leur place et donc être la cause du licenciement des personnels grévistes (3).
Que je sache, personne ne voudrait subrepticement (les étudiants de l'UNEF vérifieront le sens de ce mot dans le dictionnaire) déménager la B.U (Bibliothèque Universitaire) ou les ordinateurs des secrétariats.
Que je sache, nul ne songe à rayer des listes des étudiants absents pour les remplacer par d'autres étudiants, venus de l'étranger par exemple ; par contre, je suis sûr que bien des jeunes gens d'Afrique ou d'Amérique du Sud aimeraient bien venir étudier en France, à l’Université, que celle-ci soit autonome ou pas !
Etudiant (4), moi aussi, je l'ai été, et j'ai connu à Lille III, dans les années 80, des manifestations et des grèves ; pour protester contre la réforme Devaquet par exemple (je ne sais même plus en quoi elle consistait, c'est vous dire !) ; et pourtant, je puis vous assurer qu'à l'époque, il ne venait à l'idée de personne d'empêcher qui que ce soit de suivre un cours. Les grévistes manifestaient ("DEVAQUET AU PIQUET !"), les non-grévistes suivaient les cours ("... et c'est alors que, piqué au vif, Bonaparte répondit..."), et moi, j'allais au bistrot.
Il est vrai que nous étions plus soucieux sans doute de la liberté individuelle, et que, pour beaucoup d'entre nous, nous ne prenions pas la politique si au sérieux et encore moins au tragique (5), que la grande démocratisation de l'Université voulue par les Chevénement et les Meirieu n'avait pas encore produit ses effets et qu'en conséquence, la racaille ne s'y était pas encore installée, à l'Université.
Notes :
(1) La loi sur l'autonomie des universités étant avant tout un ensemble de mesures techniques visant à assurer un partenariat plus important entre secteur public, - l'Etat - qui, à ce que je sache, n'a pas rompu ses engagements, et le secteur privé, lequel, de toutes façons, subventionne depuis longtemps certains travaux de recherche universitaires.
(2) Devant des heurts à répétition, le mécontentement des étudiants opposés au blocage, des Assemblées Générales de trois ou quatre cents aux décisions votées à main levée (!!!???), certains Présidents d'Université ont eu l'intelligence, aujourd'hui, lundi 13 novembre 2007, à Rennes ainsi qu'à Lille, d'organiser un vote à bulletin secret. Il semble en effet qu'à Lille III (Sciences Humaines) ainsi qu'à Lille I (Sciences et Techniques), la reconduction du blocage des entrées ait été décidée par une majorité d'étudiants.
A Rennes, certains grévistes, néo-staliniens jusqu'au bout, ne reconnaissent pas la légitimité d'un vote qui, pourtant, offre toute garantie de démocratie (engagement de l'administration, présence d'observateurs appartenant aux différentes composantes, installation d'isoloirs,...)
(3) A Lille III, certains gros malins, abonnés au redoublement et au changement d'orientation multidirectionnel, joueraient de leurs muscles pour impressionner des étudiantes de première année. Un jeune chargé de cours, n'ayant aucune carte prouvant qu'il est bien enseignant, n'a même pas pu entrer dans le hall. Eh Oh ! ça va bien, oui, il bosse, lui ! Il gagne sa vie, cet enseignant, et les impôts qu'il paie servent aussi à vous permettre d'étudier, bande de rigolos !
(4) Poil aux dents ! Fallait qu'j'le fasse ! Fallait qu'ça sorte !
(5) S'ils décident de bloquer les Universités à cause d'une loi de financement, que feraient-ils si, soudainement, on mettait en place un numerus clausus à l'entrée de certaines filières ? : s'immoleraient-ils ?
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 13 novembre 2007