Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BLOG LITTERAIRE
22 mars 2008

NI AUX FORCES DE LA MORT

NI AUX FORCES DE LA MORT
(Notes sur trois citations tirées de l’anthologie Une voix, « Choix, traduction de l’anglais et présentation par Clotilde Castagné-Véziès", Orphée/La Différence, 1997)

Avec humour, ce titre d’un poème de Louis MacNeice, in Une voix, page 24-25 :

NATURE MORTE
(Even so it is not so easy to be dead)

NATURE MORTE
(Même ainsi, il n’est pas si facile que ça d’être mort)

Mais l’humour sert à exprimer c’t’angoisse aussi qui nous court le haricot :

“ …, even a still life is alive
  And in your Chardin the appalling unrest of the soul
  Exudes from the dried fish and the brown jug and the bowl.” (p.24)

« …, même une nature morte est vivante,
Et dans votre Chardin, l’effroyable inquiétude de l’âme
Suinte du poisson séché, du pichet brun et du bol. » (p.25)

Les objets du quotidien peuvent ainsi exprimer cette latente angoisse, notre ombre en nous, ce chien qui court à perdre haleine le long d’une plage et ce chat qui n’est jamais revenu, ce visage perdu, ce proche maintenant lointain.
Ici, les objets évoquent la simplicité d’un repas.
Est-ce parce que l’union du « poisson séché, du pichet brun et du bol » ne nous est plus guère familière, semblant datée, ancienne, fort propre à figurer sur des photographies publicitaires, que cette évocation d’un tableau de Chardin nous rappelle cette « effroyable inquiétude de l’âme », ce couteau dans l’eau.

La peinture ? Du temps « parti ailleurs » peut-être bien ; le poème aussi :

“Time was away and somewhere else,
There were two glasses and two chairs
And two people with the one pulse
(Somebody stopped the moving stairs) :
Time was away and somewhere else” (Meeting Point, op. cit., p.58)

« Le temps était parti, quelque part ailleurs,
  Il y avait deux verres et deux chaises,
  Deux êtres et un même battement de cœur
  (Quelqu’un avait arrêté l’escalier roulant) :
  Le temps était parti, quelque part ailleurs. » (Rendez-vous, p.59)

L’image elle-même semble s’être effacée. Quand nous ne sommes plus, ces « verres » et ces « chaises », et ce « même battement de cœur » que nous prétendions faire avec l’autre, où donc passent-ils ?
Le monde sans l’humain sera un ensemble infini d’images fantômes sans doute.
Qui croit aux esprits est donc fondé à croire que, de cette manière imagée, nous vivrons outre ; à moins que ces étranges images n’aient d’être que parce qu’il y a conscience. Ainsi, celui qui croit aux hommes et à la beauté de la conscience ne peut croire aux esprits ni aux forces de la mort.

Et l'insupportable et si insistante fillette du Barbarella de Forest, celle qui collectionne les images, n'est possible, si fictionnelle, si morte, que dans ce monde-ci, si vivant. Nos fantômes, ce sont nos fictions : il y a et il n'y a pas de ghosts of Mars.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 22 mars 2008

Publicité
Publicité
Commentaires
BLOG LITTERAIRE
Publicité
Archives
Albums Photos
Publicité