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BLOG LITTERAIRE
5 avril 2012

DU NECESSAIRE AINSI SOIT-IL

DU NECESSAIRE AINSI SOIT-IL

"Cette notion de langue-répertoire se fonde sur l'idée simpliste que le monde tout entier s'ordonne, antérieurement à la vision qu'en ont les hommes, en catégories d'objets parfaitement distinctes, chacune recevant nécessairement une désignation dans chaque langue ; ceci, qui est vrai, jusqu'à un certain point, lorsqu'il s'agit par exemple d'espèces d'êtres vivants, ne l'est plus dans d'autres domaines : nous pouvons considérer comme naturelle la différence entre l'eau qui coule et celle qui ne coule pas ; mais, à l'intérieur de ces deux catégories, qui n'aperçoit ce qu'il y a d'arbitraire dans la subdivision en océans, mers, lacs, étangs, en fleuves, rivières, ruisseaux, torrents ?"
(André Martinet, Eléments de linguistique générale, 1-6, Armand Colin, 1967)

1.
Il y a ceux qui cherchent à comprendre, et ceux que l'on cherche à comprendre. La fascination met sur le même plan ces deux types d'être aux autres.

2.
Bien sûr qu'une contradiction peut être considérée comme vraie. La religion s'est très bien accommodée du paradoxe qu'il y a pour Dieu à être absolument et cependant à exister. Plus étrange encore, la religion postule un Dieu unique tout en admettant oecuméniquement la coexistence plus ou moins pacifique des trois religions révélées, et donc fondées sur trois existences différentes de l'être divin. Ce qui n'empêche nullement les théologiens d'affirmer un seul être derrière ces trois apparaîtres. Maintenant, que Dieu n'existe pas est ce que nous murmure la raison, mais il se trouve que l'humanité a besoin de Dieu pour se guider et donner un sens à ce chemin dans la nuit qu'elle appelle Histoire. Un progrès considérable sera accompli lorsque l'ensemble des humains acceptera de renoncer aux preuves de l'existence de Dieu au profit du nécessaire ainsi soit-il.

3.
Penser que le temps puisse être différent dans d'autres référentiels ou penser que le temps est toujours égal à lui-même revient au même. Quel philosophe assotté pourrait penser que le temps existe en dehors des mots pour le dire. Nous vieillissons ? et alors, est-ce que notre vieillesse fait sens pour le végétal, le minéral, le microscopique, est-ce que cela fait sens pour l'extra-humain ? Si quelque jour, l'humain réussit à franchir la vitesse de la lumière (ce dont on nous dit que cela est maintenant théoriquement pas impossible), le temps pour lui alors passera d'une autre manière. Mais encore une fois, cela n'aura jamais de sens que pour lui. Le temps est un langage, une manière de dire le comment de la persistance. Une chose formidable est que les progrès de la médecine nous permettent de vieillir autrement, c'est-à-dire de demeurer plus longtemps et en meilleur état dans cette apparence de la durée que les aiguilles de nos montres ne font jamais qu'arbitrairement signaler. Ce n'est donc pas un en-soi du temps qui change, mais le corps même qui s'inscrit toujours différemment dans la durée.

4.
La gestion du temps est spécifique. Plus une société est ritualisée, plus la gestion du temps échappe aux individus. Plus une société est ouverte, plus les individus sont libres de leur emploi du temps. Paradoxalement, la société industrielle, censée libérer l'humain de la rareté naturelle, a tenté de ritualiser le temps de manière à ce que l'individu se confonde avec sa fonction. Le travail à la chaîne et la gestion par le stress ont ainsi voulu faire rentrer l'humain dans sa montre. Il faut reconnaître au service public une certaine bonne volonté dans le laisser faire des gestions individuelles du temps, cependant que bien des technocrates ne cessent de rêver à une administration si efficace que personne n'y pourrait trouver le temps de faire autre chose que ce qui est strictement prévu par les textes, dont on sait qu'ils sont si bien pensés que cela va sans dire.

5.
Les incompatibilités de caractère, en dehors de ce qui concerne l'éthique, se reflètent dans la gestion individuelle du temps. Ce ne sont plus seulement des façons d'agir différentes qui s'opposent, mais des rapports existentiels à la durée qui se contredisent. C'est alors que l'on ne se comprend plus, que l'on se juge, que l'on s'en veut, que l'on se méprise, que l'on se déteste cordialement.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 5 avril 2012

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