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BLOG LITTERAIRE
1 août 2012

LE RÊVE DE L'AUTRE

LE RÊVE DE L'AUTRE

1.
Je suppose que dans le sentiment amoureux, chacun est d'abord le rêve de l'autre, puis la réalité de l'autre, puis le souci de l'autre, puis la nécessité de l'autre.

2.
Ce besoin qu'ils ont les poètes de fourrer d'la figure partout, cf ce "vieux mont, colosse à tête grise" (Victor Hugo, Dicté en présence du glacier du Rhône in Les feuilles d'automne). Faut qu'il l'humanise, qu'il l'anthropomorphe, le réel naturel, après faudrait pas s'étonner si le vieux mont se mettait à cracher des pierres.

3.
De même faut qu'il trouve, l'humain, des causes au hasard, lequel est la preuve de notre peu d'intérêt personnel. Si le hasard, par l'un de ses nombreux accidents, me supprimait aujourd'hui de la surface du monde, celui-ci n'en continuerait pas moins à tourner avec ses milliards de bipèdes et l'infinie variété de ses consciences, n'en continuerait pas moins à être nécessaire... "Au gré du divin souffle ainsi vont mes pensées" (Victor Hugo, Dicté en présence du glacier du Rhône)... C'est qu'en remplissant le hasard du souffle de Dieu, on tente de donner un sens à ce qui n'est que vent. Bien sûr, on tenta bien de remplacer Dieu par l'Inconscient, mais on n'empêcha pas le Hasard de troubler les esprits.

4.
Difficultés relationnelles, égocentrisme, narcissisme, des tas de défauts, de problèmes du moi : voilà ce que souvent on perçoit dans les biographies de pas mal d'artistes. Ce qui nous intéresse, et nous surprend toujours, c'est que les créateurs prouvent par leurs oeuvres que les failles psychologiques ne mènent pas fatalement à la déviance, à l'hôpital, à la prison. Ainsi, des personnes qui, dans la vie ordinaire, sont facilement moquées, ou délaissées, ou détestées, parfois prises en pitié et souvent marginalisées, par la puissance de leur art et l'étrangeté de leur caractère tissent une légende qui les fait admirer de beaucoup de ceux-là qui, par ailleurs, sont dans leur vie à eux, d'une constance et d'une discrétion admirables.

5.
Je suppose que nous en savons plus sur la mythologie que la plupart des Romains antiques. C'est que notre amour de la rationalité a produit des spécialistes qui ont recensé, analysé, classé, archivé, catégorisé, chronologisé l'ensemble des figures qui constituaient la mythologie gréco-latine. Mais c'est notre modernité qui a produit cette érudition, qui va parfois jusqu'à la cuistrerie, le pédantisme de l'article dans la revue de philologie ultra-pointue, le ridicule de l'allusion savante pour parler d'une opérette ou d'un roman policier, le besoin de briller par la citation. A mon avis, pour la plupart des Romains, toute cette mythologie devait être assez confuse. Ils ne devaient s'y intéresser qu'en passant, quand ils avaient le temps, ou quand ils y étaient plus ou moins obligés par le calendrier des rites et des cultes. En dehors de ça, ils devaient allégrement confondre les histoires, s'emmêler les pinceaux dans les circonstances, attribuer au pifomètre métamorphoses et généalogies. Je ne pense pas que toute cette mythologie ait joué un si grand rôle dans la vie quotidienne des Romains : le prix de la farine, les developpements des intrigues locales, les rumeurs des quartiers, l'humeur de l'armée, devaient être beaucoup plus suivis que les aventures de je ne sais quel Totorus Carabistouillus au pays des Sirènes à dents pointues.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 1er août 2012 

 

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