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BLOG LITTERAIRE
5 octobre 2012

RIEN QUE DE TRES BIZARRE

RIEN QUE DE TRES BIZARRE

Autres bricoles sur des citations extraites du recueil de nouvelles "Les Ecuries d'Augias", d'Agatha Christie, traduit par Monique Thies (Club des Masques n°72)

1.
"Un homme très bizarre. Il porte des shorts vert pré et ne mange que des choux. C'est un ardent croyant." (p.120)
Sans commentaire : y a des fois où le talent se suffit à lui-même.

2.
"Hercule Poirot abaissa le regard sur le bout de ses chaussures vernies et soupira. Il se sentait perdu, très seul. Ici, on ignorait les règles selon lesquelles il avait l'habitude de vivre." (p.144)
C'est que, sans doute, l'on court un risque à fréquenter les romans policiers plutôt que de rester chez soi à s'occuper de ses collections. Je note par ailleurs que s'il s'agissait d'un fantôme, il pourrait penser qu'ici on ignorait les règles selon lesquelles il avait l'habitude de mourir.

3.
Les romans font comme si la télépathie existait. L'auteur a lu à livre ouvert dans les cervelles de ses personnages et nous transcrit leurs pensées. Un roman peut ainsi se lire comme un choix de pensées de personnages qu'existent pas, un recueil d'aphorismes spectraux.

4.
"Au bout de dix minutes de marche, il se trouva face à un haut mur que perçait une porte cloutée de fer." (p.144)
A lire comme ça cette phrase, je lui trouve un je ne sais quoi de gothique, de labyrinthique, de mystérieux, d'onirique, et d'amusant : le petit homme bien mis de sa personne, précautionneux et perplexe se retrouvant devant la porte du château de l'ogre.

5.
"Un instant, le visage de Diana laissa tomber son masque de gaieté et on y lut une question angoissée." (p.45)
Y a des gens comme ça qui portent des points d'interrogation sur leur figure ; ce sont des interrogatifs, des perplexes, des cogitifs. Du reste, cette phrase est tirée d'un roman publié dans la collection "Club des Masques". Il s'agit de romans policiers. Il pourrait s'agir de tout autre chose, puisqu'écrire, ce n'est pas démasquer, mais faire surgir les masques.

6.
Image pour une bande dessinée : dans la nuit des coulisses une collection de masques. Image pour, dis-je. Si ça se trouve, cette image, je l'ai déjà vue quelque part dans l'infini labyrinthe des images.

7.
"Regardez ces bêtes qui grouillent ! Je vous jure que c'est vrai. Je deviens folle..." (p.81)
C'est ce qui arrive quand on prend de la distance, ou que l'on devient subitement géante, à la façon de l'Alice du Pays des Merveilles, et même plus grande encore que l'irrésistible ascendante, à tel point que le monde vous semble fourmilière, chose toute grouillante, infiniment riquiqui, ridiculement impuissante ; il faut une volonté terrible pour ne pas être tentée d'y flanquer un coup de pied ; il faut être terriblement philosophe.

8.
La folie procède de l'hallucination individuelle comme la raison procède de l'hallucination collective.

9.
"Il [Hercule Poirot] aimait le docteur Stoddart. Son sourire amical, un peu timide, l'intérêt naïf qu'il portait aux affaires criminelles." (p.75)
Plaisante opposition entre l'épithète "naïf" et les "affaires criminelles". Face à l'âpreté de la réalité, le roman policier de type énigmatique à élégances (avec cadavre dans la bibliothèque, crime du golf, mystérieuse affaire de Styles sherlockeries excentriques et brumeuses, rouletabilleries phénoménales, et qui c'est qui qui s'est servi du poignard de tante Léonie pour assassiner le cousin Gédéon?) est une naïveté fort propre à distraire le lecteur du sordide des faits divers.

10.
"Ce monsieur était tellement bouleversé par ce que je lui avais dit qu'il ne s'en est même pas rendu compte!" (p.101)
C'est ce pourquoi on cause, sans même qu'on le veuille vraiment, on détourne l'attention des gens pour qu'ils ne s'en soient même pas rendus compte. Parler, c'est déranger.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 5 octobre 2012

 

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