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BLOG LITTERAIRE
23 janvier 2013

OEUFS AU JAMBON ET YEUX AIGUS

OEUFS AU JAMBON ET YEUX AIGUS

cf Agatha Christie, Le Meurtre de Roger Ackroyd, traduit par Miriam Dou-Desportes, Le Livre de Poche Policier n°617.

1.
p.15 (chapitre I, "Le Docteur Sheppard prend son premier déjeuner")
Le narrateur nous apprend tout de suite qu'il a une soeur, - dans la première page, elle remue des tasses et signale sa présence par une "petite toux sèche" - ; il me semble d'ailleurs qu'elle est omniprésente, cette Caroline, dans ce roman (Le Meurtre de Roger Ackroyd) que j'ai lu il y a longtemps et dont je me souviens comme d'une oeuvre pleine de Mah-jong et d'allées et venues du narrateur dans une sorte d'énigme à demeure, un crime en un lieu si loin de mes lieux, qu'il en devient abstrait comme l'énoncé d'un problème de mathématiques assez simple pour être résolu par un lycéen et assez étrange pour qu'il continue à interroger le spéculatif. C'est dire si c'est poétique.

2.
p.16
"Elle découvre généralement ce que je lui ai caché" : c'est donc une soeur de type perspicace. Il faut faire attention avec les soeurs perspicaces. Elle lisent en vous et pourraient très bien découvrir le coupable avant le dénouement.

3.
p.17
"et m'assis devant les oeufs au jambon, un peu froids" : c'est là qu'on voit qu'on est en Angleterre. Des fois, on en mange aussi des oeufs au jambon en France. Qu'ils soient un peu froids, les oeufs peut signifier que la maison est froide ou que le narrateur a tardé pour se mettre à table. C'est qu'il était occupé à suspendre son pardessus.

4.
p.18
"- Le laitier ne te l'a-t-il pas dit ?" demandai-je ironiquement".

Est-ce une référence au film Drôle de drame, de Marcel Carné? C'est que les laitiers et tous les parcoureurs de patelins en savent long des fois, et puis pleins de potins eux donc. Ils sont plus discrets maintenant. Et puis on livre moins le lait qu'autrefois. Enfin bref, il n'a rien dit puisque : "Il ne le savait pas", déclara-t-elle.

5.
p.19
"Mais, depuis, le remords l'a hantée. Je ne peux m'empêcher de la plaindre."

Remords : morsure fantôme. Comme tous les spectres, le Remords revient toujours sur ses dents. En vous mordant, il vous inocule le regret, voire "la mort dans l'âme".

6.
p.20
"- Y aura-t-il une enquête ?"

Bin oui, Titine - c'est Caroline, la soeur du narrateur qui pose cette question - bin oui, puisque le bouquin est censé être un roman policier. Un roman policier sans enquête, c'est assez rare, bien que l'on puisse imaginer un roman policier sans enquêteur.

7.
p.21 (Chapitre II, "Les habitants de King's Abbot")
"Le passe-temps principal des habitants peut être résumé en un mot : Potins !"

Ah ! les braves gens ! Ceci dit, la fiction n'est qu'une suite de potins sur le réel. Et quand il s'agit de fiction érotique, c'est même du popotin.

8.
p.22
"un garçon terrible qui lui a donné bien des tourments"

C'est le propre des "garçons terribles" de donner "bien des tourments" à leurs proches. On apprend aussi son nom - Ralph Paton - et " [qu'] à King's Abbot, nous aimons tous beaucoup Ralph Paton." Une sorte de fils prodigue.

9.
p.23
"Quoi de plus naturel que les deux victimes se consolassent l'une l'autre !"

Qui se ressemble... Ceci dit, les points communs sont parfois des leurres. Derrière le sourire, le loup. Derrière le loup, le loup. Derrière le miroir, le chausse-trappes.

10.
p.24
"...car mon esprit revenait sans cesse au mystère..."

C'est que l'esprit aime à hanter le mystère. Sinon, il s'ennuie et finit par faire, comme on dit, "mystère de tout", et vérité de rien.

11.
p.25
"... qu'en me rappelant cela j'eus le pressentiment de l'avenir"

Le présent rappelle le passé afin de pressentir l'avenir. S'agit pas de se gourer, sinon on se retrouve vite on ne sait où, et science-fiction.

12.
p.26
"Elle fixait sur moi des yeux aigus..."

Page blanche du visage, ponctuation des yeux. Un masque. Ou un fond de teint. Une perspicacité en action. Redoutable.

13.
p.27.
A la fin du chapitre II, la gouvernante de Roger Ackroyd vient, sous prétexte d'une douleur au genou, visiter le narrateur qui est médecin, et point dupe qu'il "était évident qu'elle désirait causer avec" lui. Il est question de "drogues", de "véronal", de "curare". Ce qui est tout de même inquiétant. C'est dans les sujets qu'ils abordent que se tient le coeur des gens.

14.
p.28.
"Je crois que non, sauf le curare"

La mention du "curare" dans un roman peut annoncer des réflexions sur un possible empoisonnement d'Untel, d'Unetelle. Si c'est un roman policier, c'est quasi certain. A moins que ce ne soit une fausse piste pour endormir le lecteur. Pas trop tout de même. Quoique, moi, ça fait belle lurette que, dès que je me mets au lit, même avec le plus époustouflant des chefs d'oeuvre, je pionce au bout de quelques pages. Je crois que le récit de ma propre vie me ferait dormir. Je crois surtout que le récit de ma propre vie me ferait dormir.

15.
p.29
"...juste au moment où le gong annonçant le déjeuner retentissait."

C'est épatant ça, les demeures où l'on fait retentir le gong pour annoncer le déjeuner, et en l'occurence, la fin du chapitre. En tout cas, ça vous rappelle aux nécessités de l'estomac et du repas pris en commun. C'est très civilisé, même si c'est un peu contraignant. Les romans d'Agatha Christie mettent en scène des personnes très civilisées, de ces gens très bien dont certaines font des choses très laides. Il me semble qu'Hercule Poirot dit quelque chose d'approchant quelque part, mais je ne sais plus où.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 22 janvier 2013

 

 

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