Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BLOG LITTERAIRE
19 juillet 2012

LA PLUS NOBLE FIGURE

LA PLUS NOBLE FIGURE

Notes sur Antigone, de Sophocle (Librio n°692, texte établi et traduit par J. Bousquet et M. Vacquelin (1897), préface d'Elsa Marpeau)

1.
Antigone refuse de se plier à l'ordre du roi de Thèbes, Créon, qui est son oncle, à la contestatrice : Polynice - qui est son frère, à l'opposante - privé de sépulture, laissé au soleil et aux bêtes... affaire de famille... de clan... de principes. Or, les lois des dieux ne sont pas écrites. (C'est le Dieu unique qui, plus tard, initiera le droit universel). Antigone se prévaut d'une loi non écrite contre la loi dictée par le roi de Thèbes.

2.
"par tout ce qui le rattache aux autres, il est porteur de la faute."
(Elsa Marpeau)
Le péché originel, ou encore la faute héréditaire des tragiques grecs, a ce mérite de résoudre le problème de la liberté individuelle : nous ne sommes que le résultat d'une infinité de circonstances, et nos actes, les pires comme les meilleurs, ne sont eux-mêmes que circonstances. Cependant, nous sommes coupables : nous sommes "porteurs de la faute". La modernité, en se débarrassant du péché originel et du fatum, en tuant Dieu et tous les autres dieux, a cru mettre l'homme face à son destin, libre enfin de choisir en toute conscience. Les sciences humaines dénoncent cette illusion : il y a quelque chose de plus fort que l'humain, c'est l'humain lui-même. Le surhomme n'est jamais que celui qui, prenant cette illusion en compte, cherche à aller au-delà ; aussi sait-il parfaitement qu'il ne peut être que coupable parce que l'humain peut être coupable, et s'il est innocent, eh bien, tant mieux.

3.
Evoquant l'Antigone de Anouilh (1942), Elsa Marpeau écrit : "Antigone devient ainsi un personnage qui choisit le tragique"... Choisir le tragique... choisir le Minotaure... le sac aux ténèbres et les lacs de sang... Antigone, un devenir ?... Certainement... l'humain est un opposant à l'humain.

4.
Dans la même préface, Elsa Marpeau, évoque le roman Antigone de Henry Bauchau (1997) : "H. Bauchau a fait de la jeune femme une figure plus humaine que l'héroïne inflexible de Sophocle. Au choix de la mort, il a opposé celui de la vie. Ainsi Antigone affirme-t-elle qu'elle "ne connai[t] rien de plus beau, [elle] ne connai[t] rien d'autre que vivre..." C'te bonne blague, rien de plus beau... rien d'autre que vivre... de toute façon, il n'y a rien d'autre que la vie... la mort n'est pas une vie.

5.
D'après ce que je lis - la préface d'Elsa Marpeau - pour Hegel, Antigone est "la plus noble figure qui soit apparue sur la terre." Antigone est littéralement une faiseuse d'histoires. Sa présence, c'est-à-dire sa permanence sur scène et sa valeur référentielle, nous travaille encore. En Occident tout au moins. Et nous ne pouvons faire autrement que rattacher l'acte volontaire, l'acte délibéré, l'acte en dépit de, à un nom, à un individu. Est-ce que les asiatiques, qui sont la majorité de ce monde, ont une Antigone ? J'espère que oui. Un héroïsme anonyme, une volonté de foule, voilà qui me déplairait. Nous n'avons pas inventé Jeanne d'Arc et Bonaparte pour rien, n'est-ce pas ?

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 juillet 2012

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
BLOG LITTERAIRE
Publicité
Archives
Albums Photos
Publicité