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BLOG LITTERAIRE
28 novembre 2012

RIDEAU DU TEMPS

RIDEAU DU TEMPS
Notes sur le poème "Cette grande tête où l'herbe s'amuse", de Henri Thomas (cf "Poésies", Poésie/Gallimard p.153).

1.
Il y a dans le poème "Cette grande tête où l'herbe s'amuse" de Henri Thomas, ce vers remarquable :

"c'est l'enfer, pareil et toujours changeant."

L'enfer, c'est l'identique et jamais même ; c'est le présent qui ne fait que rappeler un passé de plus en plus vague ; c'est nous-mêmes qui vieillissons, nous ressemblant, et étant de plus en plus autre. C'est que l'autre, çui-là à venir, nous bouffe.

2.
Ainsi, pour reprendre le sartrien "L'enfer, c'est les autres", il est vrai que les autres se suivent et ne font que se ressembler. Ils sont plus différents que lune et soleil, et tous sont uniques, c'est-à-dire radicalement autres, étrangers, absurdes, périlleux.

3.
Pour ce qui est du vers : "Cette grande tête où l'herbe s'amuse", malicieusement, on pourrait penser à quelque enfumée cafetière de quelque fumeur de ce qu'un de mes élèves appelle des Bob Lennon. Je ne suis pas pour : c'est idiot de risquer des ennuis pour pareille bêtise. C'est sans doute une manière de se prouver que l'on n'est pas tout à fait dans le rang, dans le morne ordre des choses. C'est quand même bien bête.

4.
J'aime bien aussi le vers "A travers la vitre bleue des soirées" : le "v" y fait effet de reflet. Et puis "la vitre bleue des soirées", ça évoque les calmes soirées, à lire quelque bon livre, dans un bon fauteuil près d'un bon feu et d'un bon toutou en fumant une bonne pipe et en pensant, car on est un bon bourgeois, que la vie n'est pas si mauvaise, après tout. 

5.
Remarquez, qu'en fait, dans ce quatrain, il est question, non pas de bonne vie, mais de "vie maladroite", de "nuit jamais sacrée" (à moins de s'attendre à voir débarquer d'un autre monde de ces dieux autres et borborygmant rauque des phrases heurtées d'extravagantes consonnes ; ce qui, par ailleurs, ne rend pas la nuit plus sacrée pour autant, mais certainement plus fantastique, plus hallucinée, rapport à ce que l'hallucination est la manifestation de l'être du mystère, l'indice de l'énigme). Il est aussi question de "tête" "cave étroite" : c'est qu'elle est pleine d'idées noires tissées par de noires velues véloces qui vous mordent parfois l'âme pour y pondre d'autres velues véloces qui vous tomberont sur le coeur un de ces jours à mélancolie.

6.
Il est aussi question d'une "voix" qui "chanta tout le jour" et qui est bien enrouée maintenant. Vieillir, c'est s'enrouer. Le v'là tout grinçant, not' coq qui fut si arrogant jadis.

7.
Le dernier quatrain évoque ces "chevelures" que l'on rêve aux "torrents", puisque les torrents sont hantés de divinités nageuses, allant, venant le cours du temps, lequel est un "rideau" qui jamais ne se troue.

8.
Peut-on, comme le suggère l'expression qui termine le poème, "soulever le rideau du temps" ? - A mon avis, il est bien lourd. Peut-être est-il troué ? De leurs autres univers, d'autres yeux nous observent. Ou alors des êtres invisibles s'y glissent, par ces fentes, dans notre monde, les transparents, qui viennent jouer avec nous comme de petits sades avec leurs poupées.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 28 novembre 2012

 

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