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BLOG LITTERAIRE
19 avril 2013

EN SE FASCINANT POUR LA SAUTERELLE

EN SE FASCINANT POUR LA SAUTERELLE
En feuilletant "Seul dans la splendeur", choix de poèmes de John Keats traduits et présentés par Robert Davreu, édition de poche Points n°P2099, édition bilingue. Citations en italiques et entre guillemets. Citations de la traduction de Robert Davreu entre guillemets.

1.
A un moment, le narrateur d'un des poèmes dit qu'il a un paquet à se coltiner sous les nougats ("And I have many miles on foot to fare"), donc il marche, le gaillard, il va de l'avant, ce qui lui permet d'admirer la nature, puisque, comme il le dit : "La poésie de la terre ne meurt jamais" ("The Poetry of earth is never dead"). On lui souhaite donc de ne pas se faire attaquer en chemin, ni par ours, ni par loup, ni par loup-garou, ni par chien errant, ni par chat sauvage, ni par  voyou des eaux et forêts, ni par battant la campagne, et de ne pas trop croiser de charognes. Bref, il hante la cambrousse, notre narrateur, et se fascine pour la sauterelle qui "prend la tête des fastes de l'été" ("That is the Grasshopper's. He takes the lead / In summer luxury"). Sinon, dans l'ailleurs d'un autre poème, il évoque, le narrateur, les serpents qui sifflent dans des roses (et quoi qu'ils sifflent, les serpents ? des airs vipérins sans doute, des chansons cruelles, des venimosités rythmiques) et puis, puisqu' - curieux à dire ça "et puis puisqu'", ih ih, j'le fais exprès ! - et puis donc, puisqu'on en est aux serpents, il évoque aussi Cléopâtre "en robe de reine" (à vrai dire, si elle était en pyjama, ça serait bien bizarre et la face du monde sans doute) et vipère au sein, la Cléopâtre (With the aspics at her breast), antique gothique sous un autre soleil.

2.
Des fois, le narrateur, y lui vient comme du languissement, de la langueur même qu'on dit en bon français, celui qui s'enseigne, avec de plus en plus de mal, dit-on, comme si le français n'était plus dans sa langue  (Yet do I sometimes feel a languishment), et alors il lui vient des idées de filer en Italie, et de "[s'] asseoir sur une Alpe ainsi que sur un trône" ("To sit upon an Alp as on a throne") : de quoi se geler le postérieur et se cailler les bourses.

3.
Le narrateur aime bien se situer à l'écart et dans la grande ignorance des gens qui ne savent pas, sinon ils ne seraient pas ignorants, et pourraient briller en société, épater la donzelle et ébahir l'ahuri, comme le fait ordinairement le vulgaire universitaire de base ("Standing aloof in giant ignorance",ce qui veut dire qu'il se tient dans son coin et ne pipe mot). Soudain, il apprend qu'Homère était aveugle ("So wast thou blind !"), ce qui lui fait une belle jambe, et de beaux vers aussi.

4.
L'autre-là, il voyait des sourires dans le ciel, des sourires en plein même ("Full in the smile of the blue firmament"). Il devait prendre genre des pilules à voir des "sourires dans le firmament bleu", pas possible autrement. Du coup de tonnerre, qui ne manque pas de cogner le paysage plusieurs fois par an, et même des fois plusieurs fois dans la même semaine, que devait-il se dire, l'extatique, que le ciel ne souriait plus, mais qu'il engueulait la terre, qu'il lui passait un savon, genre, eh, la boule, j'vais t'tondre à ras, t'auras l'air fin. Remarquez qu'il ne met jamais vraiment ses menaces à exécution, l'autre à foudres, ce qui permet aux poètes de faire leur intéressant en flanquant des sourires aux cieux, des ailes aux chevaux et des hémisphères dans des chevelures.

5.
On trouve dans le poème "Bleu ! C'est la vie du ciel, le domaine" (Blue! 'Tis the life of heaven, the domain) cette suite d'infinitifs qui me plaisent bien : "enrager, écumer, bouillonner" ("rage, and foam, and fret") ; c'est à la flotte, l'eau océane, fluviale, et à celle des flaques, qu'ils s'appliquent, ces infinitifs, que je me dis qu'en effet, si un jour ça se mettait à chauffer vraiment pour la planète, patate chaude dans la bouche du géant à cheveux qu'il y a des paillettes dedans qu'on dirait des étoiles, alors, sans doute, ils se se mettraient à bouillir, bouillonner, glouglouter brûlant, que les poissons en seraient cuits, que les rivages en seraient cuits, et que nous-mêmes nous serions cuits, que les oiseaux du ciel tomberaient rôtis, et que les arbres, spontanément, s'enflammeraient. Et cette énigme aussi : "C'est comme si la rose se cueillait elle-même" ("It is as if the rose should pluck herself") puisqu'en fin de compte, l'effet rejoindrait la cause et la cause se confondrait avec l'effet.

Citations :
1.
"And I have many miles on foot to fare." ("Seul dans la splendeur", p.34)
"The Poetry of earth is never dead" (p.38)
"That is the Grasshopper's. He takes the lead / In summer luxury" (p.38).
"With the aspics at her breast" (p.78)

2
"Yet do I sometimes feel a languishment" (p.40)
"To sit upon an Alp as on a throne" (p.40)

3.
"Standing aloof in giant ignorance" (p.69)
"So wast thou blind !" (p.69)

4.
"Full in the smile of the blue firmament" (p.26)

5.
"Blue! 'Tis the life of heaven, the domain" (p.58)
"rage, and foam, and fret" (p.58)

"It is as if the rose should pluck herself" (p.104)

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 avril 2013 

 

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