JE PENSE AU MOT JAZZ ET AUTRES PENSÉES A QUI DE CHOSE
JE PENSE AU MOT JAZZ ET AUTRES PENSÉES A QUI DE CHOSE
1.
JE PENSE AU MOT JAZZ
Je pense au mot jazz
oh c'est un mot jazz
que j'aime bien jazz
je devrais dire jazz
je songe à vous jazz
ce mot songe au jazz
va n'est-il pas jazz
car vous êtes ô jazz
prince sonnant grand
seigneur des trompes
et batteries soleils
noyés dans l'ombre &
subtil chevalier des
rêveries au long des
claviers jazz ô jazz
grand pensif ô blues
Je pense au mot jazz
oh c'est un mot jazz
que j'aime bien jazz
je devrais dire jazz
je songe à vous jazz
ce mot songe au jazz
va n'est-il pas jazz
car vous êtes ô jazz
contrebasse dont les
rythmes miment cette
souplesse du passant
nonchalant de toutes
ces rues jamais vous
m'y verrez trop loin
loin boulevards rues
à n'en plus finir où
Je pense au mot jazz
oh c'est un mot jazz
que j'aime bien jazz
je devrais dire jazz
je songe à vous jazz
ce mot songe au jazz
va n'est-il pas jazz
car vous êtes ô jazz
à n'en plus finir où
sont passés tous les
ducs comtes tous les
seigneurs des sons &
les caves enfumées &
les légendes colères
ivresses et fatigues
coups blessures sang
Je pense au mot jazz
oh c'est un mot jazz
que j'aime bien jazz
je devrais dire jazz
je songe à vous jazz
ce mot songe au jazz
va n'est-il pas jazz
car vous êtes ô jazz
grand seigneur balai
à faire fuir prisons
overdoses & hôpitaux
dans la trompette du
temps qui n'en finit
Sur une photo jaunie
un orchestre muet et
les ciseaux de chair
dans la virevolte de
la jupe d'une fille.
2.
« Le moine errant, c'est ce qu'on a fait de mieux jusqu'ici. »
(Cioran, « De l'inconvénient d'être né »)
Le baguenaudant pensif le
moine à paradoxes l'gonze
errant le long du temps &
c'est loin dis le long de
ce qu'on appelle le temps
qu'on n'en a jamais assez
a fait son temps oui il a
fait son temps l'bonhomme
de tout c'qu'il a fait de
mieux de mieux et de pire
pis quoi? Le reste? Qu'os
3.
« comme une poire oubliée par l'automne au bout de sa branche dénudée. »
(San-Antonio, « Baise-ball à la Baule », Fleuve Noir n°102, p.169)
comme la lune quand elle sourit
une lune qui sourit que je suis
poire alors d'écrire ces choses
oubliée ma verve & mon virtuose
par quel trou dans m'tête & par
l'automne s'est-il carapaté fui
au grand soufflement du vent au
bout du chemin Chemin j'y colle
de l'ombre au chemin pour faire
sa mystérieuse au chemin pis la
branche j'lui flanque la pendue
dénudée tiens ça f'ra gothique.
4.
« Si épaisse que soit la nuit qui l'enveloppe, au-dehors et au-dedans, il se juge avec sévérité »
(Georges Bernanos, « Sous le soleil de Satan »)
Si opaque qu'on n'y voit que couic
épaisse d'la mélasse & brouillasse
que serpente un fog mystérieux car
soit il est l'heure de la dernière
la camarde s'pourrait bien qu'elle
l'a mangé trop d'cassoulet pis l'a
cauchemardé pis s'réveille dans la
Nuit bah ce n'est que la nuit mais
au-dehors des ténèbres et spirales
& sable noir vous fuyant des mains
au-dedans les ténèbres et vertiges
il se perd dans ses regrets et œil
l'aurait pas dû il aime trop ça le
cassoulet ça lui fait penser à son
ventre à l'autre là fut amoureux y
a des lunes la nuit les a noyées i
s'regarde il a éclairé la pièce et
s'regarde dans le miroir pas dû et
pis sourit il se voit un juge tout
noir agité accusateur très vipérin
avec son doigt pointé vers lui une
sévérité d'nuit blanche d'insomnie
5.
HAUTS DE FRANCE
Dans mon pays, le renard déguisé à qui l'on prête des pouvoirs est économe de ses mots. Personne n'en dit mot mais tout se sait.
Dans mon pays, chacun a sa bête à songes et ne laisse passer que les énigmes. Les vaches et les sots sont bien gardés.
Dans mon pays, on ne salue pas toujours. Seules des têtes nues vous regardent. Elles sourient sans dents et ont bien enterré leurs morts.
Dans mon pays, le vent agite les bouffons et les bribes de leurs discours vont se prendre aux toiles d'araignée.
Dans mon pays, le stratège des points cardinaux n'a plus que des âmes mortes à commander et une église vide pour état-major.
Dans mon pays, on a chassé le maquignon qui troublait l'âme du marcheur et seules de petites vernies montent encore.
Dans mon pays, on regarde s'étendre le poulpe aux mille yeux jaunes. On ne se fait pas un sang d'encre pour cela. On garde ses fous.
Dans mon pays, on ne parle plus la langue d'avant. D'ailleurs ce n'est pas mon pays, et si vous me comprenez, ce n'est pas le vôtre non plus.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 22 avril 2017.